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Visuels IA  / Texte humain

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LA MODE

Né un peu par hasard, ce projet d'Incognito Influencer, est un peu parti d'une veille stratégique réalisée pour l’étude LUXE INTELLIGENC.IA éditée par Balistikart. Un pacte faustien contractualisé entre l’humain et la machine IA, une idée séduisante pour l’industrie du luxe : l’éternelle jeunesse. Découverte.

ials : Qu'est-ce qui vous a motivé à démarrer ce projet Incognito ?
Stéphane Galienni : Ce projet, né un peu par hasard sur le plan technique et créatif est fondé sur une veille stratégique réalisée pour l’étude LUXE INTELLIGENC.IA édité par Balistikart, l’agence que j’ai fondée en 2007, destinée à accompagner les maisons de luxe dans leurs stratégies digitales. Avec mes équipes en planning stratégique, nous avons identifié - au premier semestre 2023 - plus de 30 comptes d’influenceuses virtuelles "mode, luxe, beauté et lifestyle" conçus par les nouveaux outils gen IA qui ont commencé à émerger aux États-Unis et en Asie (Chine, Corée), avec déjà des centaines de milliers de followers au compteur, en seulement six mois. Plus vraie que nature, il s’agit de jeunes et jolies filles qui n’ont pas réellement d’autres avantages que leur physique et pas vraiment grand-chose à raconter. On observera toutefois que ces créatures IA varient sensiblement d’une publication à l’autre : couleur de cheveux passant du blond au brun, morphologie changeante, beaux yeux allant du vert émeraude au bleu azur, de la chirurgie esthétique IA n’étant pas encore totalement maîtrisée par leurs créateurs.
Pourtant, en suivant un tutoriel IA sur YouTube, j’ai découvert un plug-in permettant de greffer mon visage sur n’importe quelle image générée par Midjourney. Pour l’exercice, je me suis fait un selfie matinal, décoiffé et mal rasé. Après une bonne journée de tentatives ratées, mon clone numérique est né. Le résultat était bluffant : un bel homme, la quarantaine passée, reprenant les traits de mon visage fatigué après une bonne nuit blanche. Docteur Jekyll et Mister Hype réunis en une seule image : fascinant et terrifiant à la fois. Un pacte faustien contractualisé entre l’humain et la machine IA, une idée séduisante pour l’industrie du luxe : l’éternelle jeunesse. Cela interroge, de surcroît, la notion de l’identité numérique, du faux-semblant en mode selfie pratiqué par les influenceurs « réels » , corrigé par de nombreux filtres esthétiques ou de réalité augmentée.
À la veille de la Fashion Week de New York, j’ai décidé d’utiliser ce clone numérique pour incarner un personnage fictif capable de s’incruster numériquement au premier rang des plus grands défilés de mode et leurs à-côtés, de façon totalement improvisée. Derrière mon écran, j’essaye de suivre les défilés qui m’intéressent en live sur YouTube, décrypter rapidement les tendances, afin de publier un visuel crédible de ma présence au premier rang du show qui vient juste d’avoir lieu. Je regarde aussi la météo du matin afin de m’assurer que les images que je génère pour ma publication du jour coïncident avec celles prises par les influenceurs sur le terrain.
Au rythme des défilés et du tempo imposé par les réseaux sociaux, l’objectif était d’inventer une histoire fictive mais
crédible au jour le jour, inspirée par l’écriture automatique des artistes sur-réalistes : une idée, un prompt, tout simplement. Une nouvelle façon de traiter l’actualité des grands défilés, des tendances observées sur les podiums, des opérations marketing menées par les grandes marques sur ces temps forts. Chaque nouvelle publication m’invitait à imaginer la suite - sur le modèle de la bande dessinée ou du roman-photo.

ials : Que raconte Incognito ?
S. G. : Incognito Influencer Project est un Proof of Concept (POC), un laboratoire créatif et expérimental qui vise à tester le potentiel des nouveaux outils gen IA sur de nouveaux modèles narratifs, inspirés par un genre littéraire, l’autofiction : l’auteur, le narrateur et le protagoniste de l’histoire se rejoignent en une seule et même personne. Ce personnage "Incognito Influenceur" a été conçu comme un antihéros de mode, qui cherche à infiltrer le milieu coûte que coûte, mais avec une certaine maladresse et une grande naïveté. Ainsi, sur la Fashion Week de New York, il devient le mannequin vedette du jeune créateur avant-gardiste Pietro Chojnacka (totalement inventé) qui propose des parkas "oversized" pour sa collection printemps-été 2024, afin de dénoncer la crise climatique dont l’industrie de la mode est en partie responsable. À Londres, notre personnage décide de monter un boys band, The Pooples, et se retrouve sous la pluie, les cheveux mouillés, tendance #mermaidhair (1,2B vues sur TikTok). À Milan, il croise un Sicilien à moitié Russe, Boris Solarino (totalement inventé), qui a perdu sa fortune dans les NFTs. Celui-ci propose à notre protagoniste de repartir "à zéro" avec une griffe de mode au nom éponyme "AZZERO" : une collection de costumes à rayures "Made in Italy" inspirée par la filmographie de Martin Scorsese. À Paris, notre héros adapte ses costumes à rayures en jaune et rose fuchsia, inspirés par le décor flashy du défilé Dior, et déambule incognito comme mannequin "Furball" pour Christian Cowan, qui a fait le buzz sur les réseaux sociaux. Un storytelling qui s’appuie sur le "photoréalisme" de l’image IA, détourné par les aventures romanesques de ce héros imaginaire.

ials : Quelles sont vos principales sources d'inspiration pour la mode masculine IA ou pas ? Comment trouvez-vous de nouvelles idées pour vos looks et contenus ?
S. G. : Incognito influenceur est un porte-manteau virtuel qui me permet de tester plein de look : doudoune Balenciaga oversized, blaser Ralph Lauren, pull brodé J.W Anderson, trenchcoat Burberry Bleu roi, des inspirations captées lors des défilés de la Fashion week SS2024, parfois revisitées à ma façon (distorsion IA). Je me suis pris au jeu de participer à la seconde saison de la Fashion Week AI en créant ma première collection de mode FW2024 mixte, totalement conçue sur Midjourney, qui s’intitule The Rope of Hope. La vivacité de la mode contemporaine et les avancées technologiques propulsées par l'intelligence artificielle nous entraînent dans un monde hyper-connecté et hyper-consumériste qui dévalorise le geste de l'artisan, le temps du luxe, le bel objet de luxe intemporel qui se démarque des tendances. C'est pourquoi j'ai décidé d'aller à contre-courant, avec une inspiration qui renoue avec les matériaux naturels bruts, pauvres, simples, recyclables, qui peuvent être magnifiés par le geste de l'artisan et la vision de l'artiste. Tout commence par le cordon ombilical qui nous relie à la nature. Une corde, c'est aussi une liane, une fibre végétale, un fil qui se tisse, qui se noue et se dénoue, qui se tresse, solide et résistant aux intempéries de l'automne, mais qui nous enveloppe de sa laine épaisse en hiver. Cette collection s'inspire du mouvement "Arte Povera", qui exprime une alternative à la société de consommation, en privilégiant l'utilisation de matériaux simples, souvent naturels ou récupérés. J’ai utilisé cette « corde de l’espoir » comme fil conducteur des 20 looks de la collection, qui puisent son inspiration dans la culture africaine, indienne, japonaise mais aussi française, avec une robe de mariée finale bleu-blanc-rouge.

ials : Et derrière les lunettes d’Incognito ? Parlons de Stéphane Galienni…
S. G. : J’ai un parcours assez atypique mais qui correspond à deux facettes de ma personnalité : la passion et l’impatience, qui se traduit par une sorte d’urgence créative dans mon parcours professionnel. J’ai toujours aimé dessiner depuis mon plus jeune âge, je me suis mis à peindre de façon autodidacte et à réaliser des courts-métrages amateurs avec le caméscope familial dans les années 90, passionné par l’art pictural et le cinéma. J’ai démarré ma carrière professionnelle comme graphiste puis directeur artistique dans la toute première agence digitale du groupe Publicis, en 1998, au moment du virage Internet, que j’ai quitté en 2003 pour voler de mes propres ailes. J’ai repris le pinceau et me suis lancé dans le monde de l’art contemporain, mais aussi celui de l’art numérique. En 2005, j’ai réalisé un long métrage « autofiction » réalisé avec un téléphone Nokia dans le cadre du Festival Pocket Film qui m’a valu le premier prix du jury. La même année, j’ai orchestré le lancement « storytelling » de Terre d’Hermès en digital qui m’a ensuite conduit à signer de nombreux contrat dans l’univers du luxe. J’ai finalement abandonné ma jeune carrière de peintre pour créer mon agence Balistikart en 2007, destinée à accompagner les maisons de luxe sur le digital tels que Dior, Cartier, Guerlain, Ruinart, et bien d’autres encore. L’intelligence artificielle générative est mon nouveau couteau suisse qui m’ouvre de nouveaux horizons créatifs que je n’aurais jamais imaginés auparavant. Pour un passionné impatient comme moi, c’est juste une bénédiction…

ials : Votre démarche, votre message, votre vision ?
S. G. : En un mot ? La disruption : une menace pour les uns, une opportunité pour les autres. Qui du lièvre et de la tortue est le plus rapide, tel une start-up en devenir ? Lequel est le plus téméraire sur le long terme, tel un grand groupe aux finances solides ? Dans son récit, Lafontaine nous propose un scénario d’une course improbable entre le « lièvre et la tortue » qui contre toute attente, offre un effet de chute inattendu. Un retournement de situation qui sous couvert de fiction et de bestiaire animalier, révèle sa moralité, profondément humaine. L’IA n’est pas une fable. C’est une technologie moderne mais aussi un mythe contemporain, celui de l’homme et de la machine face à la révolution digitale du nouveau siècle, comme la mécanique, l’électrique ou la robotique l’ont été auparavant. Amplifiée par les récits littéraires, cinématographiques et médiatiques, l’intelligence artificielle fascine autant qu’elle effraie pour une simple raison : elle est née du cerveau humain. Ce n’est donc pas de la machine dont il faut avoir peur, mais de celui qui en maîtrise le mode d’emploi. Un avion de ligne piloté par des terroristes peut faire basculer le monde dans l’horreur en un seul jour, mais véhicule des millions de passagers aux quatre coins du globe, chaque jour.
La disruption arrive toujours sans prévenir, bousculant nos certitudes, nos vies installées, l’ordre morale établi, les conventions et les traditions, les monopoles. En tant que créatif stratégique, la curiosité d’esprit est mon aiguilleur qui me déroute toujours du chemin que je m’étais fixé, mais qui m’a souvent conduit à être avant-gardiste dans la réflexion digitale pour nos clients. J’absorbe assez vite les nouvelles technologies et pourtant je suis loin d’être geek, je le vois presque plus comme une obligation professionnelle dans le sillon creusé.
Le savoir-faire IA c’est comme celui pratiqué par l’artisan de luxe : Apprendre, Désapprendre, Réapprendre. Faire, Défaire, Refaire. Le luxe n’est pas l’ultime perfection, simplement l’objet de nos satisfactions.


 



Ce personnage
"Incognito Influenceur"
a été conçu comme
un antihéros de mode,
qui cherche à infiltrer
le milieu coûte que coûte,
mais avec une certaine maladresse
et une grande naïveté.


 


J’ai un parcours
assez atypique
mais qui correspond
à deux facettes
de ma personnalité :
la passion
et l’impatience...


 

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